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19 June 2024

Afghanistan - Les tremblements de terre prolongent le cycle des déplacements dus au conflit et aux catastrophes

Après des décennies de conflit, le retrait des troupes étrangères et la prise de contrôle du pays par les Talibans en 2021 ont été suivis d'un changement significatif dans la dynamique des déplacements internes : aucun mouvement associé au conflit et à la violence n’a été enregistré en 2023. Cela ne signifie pas pour autant que le sort des 5,7 millions de personnes vivant en situation de déplacement prolongé avait pris fin. Leur nombre a légèrement diminué au cours de l'année, mais la plupart d'entre elles vivaient toujours dans une situation précaire et étaient très vulnérables aux catastrophes.

Cela est devenu évident en octobre lorsqu'une série de tremblements de terre de forte magnitude et de répliques s'est abattue sur la province occidentale de Herat, provoquant 380 000 déplacements internes et détruisant au moins 10 000 maisons. En raison des restrictions sociales croissantes, davantage de femmes et de jeunes filles se trouvaient à l'intérieur de leur maison lorsque les tremblements de terre se sont produits, ce qui explique en partie pourquoi elles représentaient environ 60 pour cent des morts et des blessés.

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Ces tremblements de terre étaient le deuxième événement de déplacement interne le plus important lié à une catastrophe depuis le début de la collecte des données en Afghanistan en 2008. Ces aléas ont eu lieu dans un contexte de pauvreté et de vulnérabilité élevées résultant de décennies de conflits, de catastrophes et des impacts non-résolus de la pandémie de Covid-19. Herat accueillait déjà la plus grande population de personnes déplacées du pays en 2022 et de nombreuses personnes déplacées par les tremblements de terres ont déclaré avoir fui à la fois le conflit et les catastrophes.

Principalement rurale, le secteur agricole de la province a été sévèrement touché ces dernières années par des aléas récurrents, notamment des inondations, des vagues de froid et des sécheresses entre 2018 et 2019, puis entre 2021 et 2023. Ces catastrophes ont miné la résilience des communautés, forçant nombre de personnes à abandonner leurs moyens de subsistance et à se déplacer vers des zones urbaines informelles à la recherche d'aide humanitaire. Le Covid a frappé entre ces sécheresses, affectant les personnes déplacées vivant dans des camps surpeuplés où l'eau, l'assainissement et les services de santé étaient limités.

L'augmentation des coûts agricoles résultant du ralentissement économique depuis 2021 a également conduit de nombreux agriculteurs à interrompre progressivement leurs activités et, dans certains cas, à abandonner leurs terres. D'autres ont réduit leurs troupeaux pour faire face à la détérioration de la situation économique. Cette situation a aggravé l'insécurité alimentaire, qui s'est encore accentuée lorsque le financement de l'aide alimentaire a été considérablement réduit en septembre 2023. Près de 889 000 personnes vivaient en situation d'insécurité alimentaire aiguë lorsque les tremblements de terre ont frappé, soit plus que dans toute autre province, mais aucune donnée désagrégée n'était disponible pour évaluer le nombre de personnes vivant en situation de déplacement interne.

La catastrophe a aggravé la situation humanitaire générale, car les dégâts causés aux routes et aux ponts ont perturbé l'acheminement de l'aide. Des contraintes administratives, notamment un décret de décembre 2022 interdisant aux femmes afghanes de travailler dans des organisations non gouvernementales nationales et internationales, étendu par la suite aux agences des Nations unies en avril 2023, ont également entravé l'efficacité de l'aide aux personnes déplacées.

Les dégâts causés par les tremblements de terre aux fosses septiques, aux systèmes de drainage, aux puits et aux pompes à eau ont aggravé les conséquences des sécheresses des années précédentes, laissant les personnes déplacées et les communautés d'accueil avec un accès à l'eau potable et à l'assainissement de plus en plus limité. Certaines des personnes qui avaient perdu leur maison ont également perdu leurs équipements d'eau potable, ce qui a augmenté les risques de contamination et de maladie.

L'apparition du phénomène El Niño a augmenté le risque de neige à l'approche de l'hiver, ce qui a constitué un nouveau défi pour la santé et la sécurité des personnes vivant encore à l'extérieur, sous des tentes improvisées. Compte tenu du traumatisme causé par les tremblements de terre, de nombreuses personnes ont craint de retourner chez elles, même si leurs logements n'avaient pas subi de dégâts importants. À la fin de l'année, environ 900 personnes vivaient encore en situation de déplacement à Herat.