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19 June 2024

Soudan - Le conflit provoque plus de déplacements que les dernières 14 années combinées

Les combats entre les Forces armées soudanaises et les Forces de soutien rapide (RSF) ont éclaté le 15 avril 2023, plongeant le Soudan dans la plus grande crise de déplacement interne depuis 2009, année à laquelle les données ont été disponibles pour la première fois. Le conflit a provoqué 6 millions de déplacements au cours de l'année, soit plus que les 14 années précédentes réunies. Il a laissé 9,1 millions de personnes déplacées à l'intérieur du pays à la fin de l'année, faisant du Soudan le pays comptant le plus grand nombre de personnes vivant en situation de déplacement interne au monde.

Malgré l’empreinte nationale du conflit, près des deux tiers des déplacements internes enregistrés en 2023 provenaient de l'État de Khartoum. Plus de 39 pour cent des habitants de cet État ont été contraints de fuir, vidant des quartiers entiers. La plupart des personnes déplacées se sont abritées chez des familles d'accueil dans d'autres zones urbaines, tandis que les réfugiés, principalement originaires du Soudan du Sud, d'Érythrée et d'Éthiopie, ont dû s’installer dans des camps déjà surpeuplés.

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Avec l'expansion du conflit, de nombreuses personnes déplacées ont été contraintes de fuir à nouveau. Ce fut le cas dans l'État d'Al Jazira, où le conflit s'est étendu en décembre, entraînant 327 000 déplacements, dont plusieurs étaient des mouvements secondaires de personnes ayant déjà fui Khartoum. D'autres personnes déplacées se sont installées dans des zones rurales tout au long de l'année, et ont eu besoin d'aide humanitaire pour trouver des moyens de subsistance alternatifs et pour accéder à des services de base.

La plupart des autres déplacements en 2023 ont été enregistrés au Darfour, une région historiquement affectée par les conflits et le déplacement. Il y a 20 ans, les prédécesseurs de la RSF, les Janjawids, ont mené des attaques à grande échelle dans la région, ciblant les civils selon des critères ethniques, ce qui a entraîné des déplacements importants. Des tensions communautaires de longue date se sont ravivées lors des violences de 2023, et certains camps accueillant des personnes déplacées ont même été pris pour cible, ce qui a provoqué d’autres déplacements secondaires. L'intensification du conflit a également déclenché plus de 616 000 mouvements transfrontaliers vers le Tchad.

La destruction d'infrastructures essentielles étant concentrée dans les centres urbains, elle a eu des répercussions importantes sur l'accès des personnes déplacées aux services de base et aux moyens de subsistance. La plupart devaient s’en remettre à elles-mêmes pour subvenir à leurs besoins. Entre 70 et 80 pour cent des hôpitaux dans les zones touchées par le conflit ont cessé de fonctionner, laissant près de deux tiers de la population sans services de santé, entravant la réponse à une épidémie de choléra. La saison des pluies entre mai et octobre a rendu la situation encore plus complexe, car les inondations ont touché des camps abritant des personnes qui avaient déjà fui le conflit, en particulier dans les états du Nil et du Darfour du Sud.

L'insécurité alimentaire est également devenue un défi majeur, car les marchés, les chaînes d'approvisionnement alimentaire et l'agriculture ont été perturbés, ce qui a entraîné un grave déclin économique. À la fin de l'année, 37 pour cent de la population était en situation d'insécurité alimentaire aiguë. Le Darfour-Occidental est l'État du pays qui compte à la fois le plus grand nombre de personnes déplacées et le taux le plus élevé de personnes en situation d'insécurité alimentaire aiguë.

Le conflit et l'insécurité alimentaire ont eu un impact particulièrement lourd sur les enfants déplacés. En novembre, le taux de malnutrition chez les enfants de moins de cinq ans était le plus élevé au monde. Le Soudan était considéré comme le pays avec le plus grand nombre d’enfants déplacés au monde. On estimait que 7 600 enfants étaient contraints de fuir chaque jour. De nombreux établissements scolaires étant fermés, 19 millions d'enfants n'avaient plus accès à l'éducation et étaient exposés au recrutement par des groupes armés, à l'exploitation et à la violence basée sur le genre.

La crise humanitaire et de déplacement qui continue de s’aggraver dans le pays était l'une des plus négligées au monde en 2023. Les contraintes d'accès ont également persisté, empêchant les humanitaires de répondre aux besoins croissants des personnes déplacées. À la fin de l'année, la médiation internationale visant à mettre fin aux hostilités n'avait pas abouti et la violence et les déplacements se poursuivaient sans relâche, laissant près de 20 pour cent de la population soudanaise en situation de déplacement interne.