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19 June 2024

Colombie - Le conflit continue d'affecter de manière disproportionnée les plus vulnérables

Le conflit en Colombie s’est transformé depuis l'accord de paix entre le gouvernement et les Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC) en 2016, mais les mêmes régions et communautés ont continué à enregistrer le plus grand nombre de déplacements internes en 2023. D'après les données du gouvernement, plus de la moitié des déplacements liés aux conflits et à la violence ont eu lieu dans la région du Pacifique, où les communautés afro-colombiennes et autochtones continuent d'être touchées de manière disproportionnée.

La région du Pacifique, composée des départements de Cauca, Chocó, Nariño et Valle del Cauca, est stratégique pour les activités criminelles des groupes armés non étatiques (GANE). Ses riches ressources naturelles, son vaste littoral et son éloignement facilitent la production et le trafic de drogue, ainsi que l'exploitation forestière et minière illégale. Les frontières de cette région avec l'Équateur et le Panama ont également favorisé la traite des êtres humains et le trafic de migrants, qui sont devenues des activités de plus en plus lucratives. Il est estimé qu'un demi-million de personnes ont franchi la frontière avec le Panama par la région du Darién en 2023, contre une moyenne annuelle de moins de 11 000 au cours de la décennie précédente. Les migrants sont confrontés à des risques importants en matière de protection au cours du périlleux voyage qu'ils effectuent pour franchir la frontière. Il y a également de plus en plus de preuves que les migrants sont victimes d'attaques violentes de la part des GANE.

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Dans toute la région du Pacifique, les populations locales continuent de subir les conséquences du conflit. Après la démobilisation de la plupart des membres de la FARC depuis 2016, d'autres GANE se sont battus pour étendre et consolider leur présence économique et territoriale, en particulier dans les zones rurales. La présence limitée de l'État dans cette région leur a permis d'exercer un contrôle important sur les communautés, les poussant à fuir ou les enfermant dans un confinement forcé.

Le déplacement et le confinement peuvent sembler des phénomènes opposés, mais ils partagent certains éléments déclencheurs et certains impacts. En effet, les communautés confinées, tout comme celles déplacées, ont tendance à ne pas avoir accès à l'aide humanitaire et certains de leurs besoins ne sont pas satisfaits, en particulier dans les cas de déplacements individuels (moins de dix personnes) et dans les zones où les combats et l'insécurité persistent. Le confinement découle souvent de la présence de munitions non explosées et de la contamination par les mines. Certains confinements prolongés ont entraîné d'importantes vagues de déplacement lorsque les GANE ont levé leurs restrictions, ce qui a aggravé la vulnérabilité et l'instabilité des communautés déplacées.

Comme pour les déplacements, les communautés afro-colombiennes et autochtones de la région du Pacifique sont également touchées de manière disproportionnée par le confinement. Les impacts différenciés apparaissent clairement dans les données désagrégées par groupe ethnique, qui montrent que 62 pour cent des déplacements dans la région et 94 pour cent des cas de confinement concernaient des communautés afro-colombiennes ou autochtones. À Nariño, le département où l'on a enregistré le plus grand nombre de déplacements en Colombie en 2023, 75 pour cent des personnes déplacées appartenaient à des communautés afro-colombiennes ou autochtones alors que ces communautés ne représentaient que 33 pour cent de la population du département.

Dans l'ensemble du Pacifique, les assassinats, le recrutement forcé, les menaces et les attaques contre les écoles font partie des raisons forçant les communautés vulnérables à fuir. Leur déplacement nuit à leur tissu social et à leur résilience en plus de ralentir la mise en œuvre de l'accord de 2016, qui comporte un chapitre ethnique appelant au respect des droits fonciers et des garanties de sécurité des communautés autochtones et afro-colombiennes. Reconnaissant que la mise en œuvre a pris du retard, le bureau de la vice-présidente du pays a identifié neuf domaines prioritaires pour ces communautés, notamment l'accès à la terre, les programmes de développement et le renforcement des mécanismes d'autoprotection.

Le Registre des victimes, un mécanisme de suivi et de reportage qui s’adresse aux victimes du conflit, y compris aux personnes déplacées, est utile pour fournir des informations clés permettant de comprendre la dynamique du déplacement et les différents impacts sur certains groupes de population. D'autres mécanismes, dont la Commission de suivi, de promotion et de vérification de la mise en œuvre de l'accord créée par le gouvernement en octobre 2022, sont également utiles pour suivre la situation dans les différents territoires et communautés afin d'établir des priorités en matière d'aide humanitaire et de réparations.